L'écureuil est le plus joli, le plus svelte, le plus gracieux de tous les rongeurs. Il n'est personne qui n'ait eu l'occasion d'admirer, dans ces cages tournantes où l'on a trop souvent la cruauté de l'enfermer, son œil vif, sa physionomie fine, la gentillesse de ses mouvements, l'élégance de cette longue queue en panache qu'il relève jusque par-dessus sa tête. Il a aussi cette originalité qu'il mène une vraie vie d'oiseau. Il choisit un grand arbre dans les plus hautes futaies, et il y vit en famille. Il saute de branche en branche, passe sur les arbres voisins, monte, descend, fait mille gambades avec une prestesse incroyable ; l'œil le plus exercé peut à peine le suivre dans ses évolutions, on pourrait dire dans son vol.
A son extrême légèreté, il joint beaucoup de malice pour se dérober à votre regard : s'il vous a vu, il aura soin de mettre toujours le tronc de l'arbre ou une grosse branche entre vous et lui ; changez de place, tournez, retournez autour de l'arbre, il tourne et retourne en même temps que vous. On peut se promener pendant plusieurs heures dans une forêt peuplée d'écureuils sans en apercevoir un seul, si l'on n'a pas pris la précaution de marcher en silence.
Les dehors séduisants, les qualités brillantes qui plaisent aux yeux, ne sont pas les seuls avantages de l'écureuil ; il se recommande encore par des qualités solides : il est excellent père de famille ; il montre le plus grand attachement pour sa femelle et ses petites ; il se fait brave, il devient téméraire pour les défendre.
Les chasseurs ont remarqué qu'ils tuaient beaucoup plus de mâles que de femelles : la raison en est que le mâle reste en arrière et s'expose pour couvrir la retraite des siens. La mère n'a pas moins de tendresse pour ses enfants. Dupont de Nemours raconte qu'en 1785, quand on abattit le parc de Versailles, on le trouva rempli d'une multitude d'écureuils dont à peine jusque-là on avait soupçonné l'existence. « Leur désolation fut affreuse, dit-il ; les mères couraient éplorées de côté et d'autre, à travers les arbres renversés, leurs petits dans les bras, ne sachant où les cacher. Les mâles bordaient l'abatis, se précipitant du côté où paraissaient les curieux, disant, avec leurs grimaces, toutes sortes d'injures, leur dernière ressource. »
Nous avons dit que les écureuils mènent une vie d'oiseau ; c'est aussi à la manière des oiseaux qu'ils font leur nid. Ils le placent au faîte d'un arbre élevé, souvent sur un vieux sapin. Ils commencent par apporter dans leur bouche du gazon sec, de la mousse, qu'ils déposent sur une grosse branche ou dans une enfourchure, puis des bûchettes qu'ils entrelacent, pressent, foulent à mesure. Quand le fond de la couche est fait, ils en élèvent les bords, et par-dessus mettent un toit ; ils n'y laissent qu'une ouverture vers le haut, à peine assez large pour passer. Ce petit édifice se confond tellement avec la ramure de l'arbre qu'il est presque impossible de l'apercevoir.
Mais ce n'est pas assez pour l'écureuil de se mettre à l'abri ; malgré sa vivacité, il n'est rien moins qu'étourdi et imprévoyant : il songe à s'assurer des vivres pour les temps de disette. Le creux d'un arbre, une fente de l'écorce, quelquefois un trou en terre, dans un lieu sec, lui servent de magasin ; il y entasse force glands, faînes ou noisettes.